
Portrait Josiane heroine
Son sourire est calme, sa poignée de main ferme et son regard porte la conviction de celles qui ont trouvé leur raison d’être. Josiane Djikoloum Darwatoye, Tcha- dienne de 27 ans, se présente simplement comme une « Artisane de Paix ». Un titre modeste pour une femme dont le parcours international et la détermination sans faille font déjà d’elle une voix incontournable de la construction de la paix en Afrique et au-delà.
Un parcours international, une identité africaine
Benjamine d’une famille de cinq enfants, Josiane a connu une enfance « heureuse et atypique », forgée entre le domicile familial au Tchad, les séjours chez sa sœur aînée au Sénégal puis aux États-Unis. Son éducation fut un voyage en soi : un parcours scolaire qui l’a menée des bancs d’école du Tchad à ceux du Sénégal, des États-Unis, du Niger pour son baccalauréat, et enfin du Ghana pour ses études supérieures. Elle en est sortie diplômée en Genre, Paix et Sécurité, une spécialisation qui allait sceller son destin.
Les graines de l’engagement
Son engagement puise sa source dans deux événements fondateurs. Le premier est celui de sa propre naissance, un 15 février 1997, en pleine flambée de violence entre communautés au Tchad. « Ma mère a dû surmonter beaucoup d’obstacles, dans son état, pour rejoindre l’hôpital », raconte-t-elle. Le récit familial de cette course contre la mort pour lui donner le jour a instillé en elle une conscience aiguë de la précarité de la vie en temps de conflit.
Le second choc survient le 2 février 2009. Sa famille doit fuir son foyer pour le Cameroun, innocente victime collatérale d’un conflit qui la dépasse. « Ce fut ma première réalisation du concept de la guerre et de ses conséquences néfastes sur des innocents. Ce sentiment d’injustice, d’incertitude et d’impuissance me hante jusqu’aujourd’hui. »
Le déclic : une formation en Inde et la bénédiction d’un père
Pendant longtemps, Josiane a senti une vocation sans savoir comment la canali- ser. Le « déclic » se produit en 2019. Jeune Volontaire de l’Union Africaine en Algé- rie, elle participe à une formation immersive en construction de la paix en Inde. Les échanges avec d’autres jeunes du monde entier lui permettent enfin de « concep- tualiser et d’articuler concrètement » sa mission.

« Aussi, j’avais trouvé ma passion et reçu la bénédiction de mon père. Ce moment fut décisif. » Souligne l’artisane de paix. Au niveau familial elle représente une icône, une fierté par rapport à son jeune âge nous confie la mère de Josiane : « Josiane est une battante , ardue, infatigable et logique dans son raisonnement. Nos souhaits : qu’elle se batte d’avantage pour sa nation. »
Une mission : rendre la paix moins abstraite
Josiane définit sa mission avec une clarté qui décomplexe : « Rendre la notion de paix moins abstraite, en la plaçant au cœur de l’existence humaine. » Pour cette Artisane de Paix, il s’agit d’un engagement ferme à « mobiliser tous les moyens ef- ficaces » pour y parvenir. Son action repose sur trois piliers : l’éducation à la paix, le renforcement des capacités et la diplomatie préventive.
Elle cite avec une fierté non dissimulée son projet phare, la Semaine mondiale de la paix, dont la troisième édition a confirmé l’impact croissant. L’initiative vise à in- fluencer les politiques publiques, former aux compétences de résolution de conflits, sensibiliser le grand public et créer des dialogues locaux.

Surmonter les défis : fonder une organisation dans la tourmente
Son plus grand défi ? « Avoir créé une organisation de bâtisseurs de paix à partir de zéro, dans un contexte socio-politique et sécuritaire particulièrement complexe. » Structurer, mobiliser et fédérer avec des ressources limitées, tout en gérant les risques sécuritaires : un parcours du combattant qui a forgé son leadership.
En tant que femme dans un domaine très masculin, elle admet sans ambages que « l’expertise et l’opinion féminine restent marginalisées ». Sa réponse ? En faire « une force et un cheval de bataille » en promouvant sans relâche les agendas « Jeunes, Paix et Sécurité » (JPS) et « Femmes, Paix et Sécurité » (FPS). Pour avoir travaillé aux cotés de la jeune héroïne, Willy est tout admiratif de cette brave arti- sane de paix depuis près de 3 ans : « Franchement, je trouve qu’elle défend une cause très noble. Étant proche d’elle, je vois bien à quel point elle est engagée. Elle fait son travail avec passion, elle impacte vraiment sa communauté et pour des causes qui sont justes et nécessaires. Ça inspire beaucoup, et ça nous inspire tous. »
La résilience par l’impact concret et une victoire symbolique
Pour ne pas succomber au découragement, elle mise sur des objectifs clairs et la gestion quotidienne de son organisation, qui lui rappelle l’impact concret de son travail. Sa plus grande victoire à ce jour ? Son élection comme co-présidente du réseau de diplomatie préventive et de médiation de l’Union Africaine – WiseYouth en octobre 2024. Sélectionnée première parmi plus de 5000 candidats, elle y voit une reconnaissance de ses compétences et un symbole puissant. « Cela me rap- pelle que je suis sur la bonne voie et que le meilleur reste à venir. »
Inspirée par les géants Mandela et Martin Luther King, mais aussi par les icônes de sa génération comme Malala et Greta Thunberg, Josiane Darwatoye regarde vers l’avenir avec une lucidité optimiste.
Un message d’espoir
Son message est un appel à l’action, simple et profond : « La cause de la paix est l’une des plus nobles qui soient. Sans elle, notre existence même est menacée. Chaque action, aussi petite soit-elle, contribue à construire un monde plus sûr. La paix commence avec chacun de nous, ici et maintenant. » Josiane Darwatoye in- carne cette lueur tenace qui refuse de s’éteindre : celle de la prochaine généra tion de bâtisseurs de paix, armée de diplômes, de courage et d’une compassion sans frontières.
